Comme une fleur venue d'on ne sait où petit
Fané déjà pour moi pour toi dans les vitrines
Dans un texte impossible à se carrer au lit
Ces fleurs du mal dit-on que tes courbes dessinent
On dit dans ton quartier que tu as froid aux yeux
Que t'y mets des fichus de bandes dessinées
Et que les gens te lisent un peu comme tu veux
Tu leur fais avaler tes monts et tes vallées
Tu es aux carrefours avec le rouge mis
On y attend du vert de tes vertes prairies
Alors que j'ai fauché ce matin dans ton lit
De quoi nourrir l'hiver et ma mélancolie
Mélancolie mélancolie la mer revient
Je t'attends sur le quai avec tes bateaux blêmes
Tes poissons d'argent bleu tes paniers ton destin
Et mes mouettes dans tes cris comme une traîne
Je connais une femme lubrique à Paris
Qui mange mes syllabes et me les rend indemnes
Avec de la musique autour qui me sourit
Demain je lui dirai des hiboux qui s'envolent
J'en connais dans ma nuit qui n'ont pas de fourrure
Qui crèvent doucement de froid dans l'antarctique
De cette négation d'aimer au bout de l'ombre
Mes oiseaux font de l'ombre en plein minuit néon
Sous les verts plébiscites
Tu connais une femme lubrique à Moscou
Qui mange tes syllabes et les met dans ton bortsch
Il connaît une femme lubrique à Pékin
Qui mange sa muraille et la donne au Parti
Demain nous leur dirons des hiboux qui s'envolent
J'en connais dans leur nuit qui n'ont plus de jaquette
Qui crèvent doucement de froid sous leur casquette
Avec leurs beaux yeux d'or mêlés du Palomar là-bas
Vers les voix de la nuit des étoiles perdues
J'entends des sons lointains qui cherchent des caresses
Et dans les faits divers là-bas ça s'exaspère
Et ça tue le chagrin comme on tue la flicaille
Au coin d'un vieux soleil exténué des glaces
Mélancolie Mélancolie la mer se calme
Je vois monter partout des filles et des palmes
Avec des fruits huilés dans la fente alanguie
Les matelots me font des signes de fortune
Ils se noient dans le sang du soleil descendant
Vers l'Ouest toujours à l'Ouest Western de carton-pâte
Le dentifrice dans la nuit se tient au rose
Un néon de misère emprunté à tes yeux
Viens je t'emmènerai là-bas vers les grands astres
Dans le désastre du matin ou chez Renault
Voir comment l'on fabrique un chef et des autos
Voir la pitié grandir sur des croix qui s'enchristent
Je t'aimerai sur la chaussée et son collant
Ton goudron j'y prendrai le suc de mes cavales
J'aurai l'air d'un roi nègre tu mettras à la moelle
Où je glouglouterai repu ton sentiment
Ton sentiment a le goût de gazelle
Ton ventre n'est qu'un champ de lavande à midi
Et mon couteau qui crisse en y fauchant ma mie
Est d'un faucheur distrait qui s'éploie sous ton aile
Il est au féminin ton sentiment
Il est comme ces demoiselles qui en ont à revendre
Et qui le vendent bien
Ton sentiment me fait gonfler mes voiles d'ange
Ton sentiment me fait du bien au sentiment
Et les fleurs du pavé poussent des cris étranges
Moi qui viens du pavé vers toi et me dressant
Et moi je ne te prends que ce que je te dois
Si je n'avais que du sentiment à t'filer
Il y a bien longtemps que tu m'aurais banni
De ton fief de ton cul de ta loi de tes langes
Il y a bien longtemps que tu te serais cassée
Mais tu m'as réveillé
Et tu nous as tirés de notre mort quotidienne
Et puis toi tu te meurs dans la rue à midi
Sous des floppées de soleils mous
Et de ces mecs qui te prennent dans les mirettes
Et qui te mirent bien dans l'os
Des fois que leur labo pourrait leur renvoyer subito
Ta dégaine grandeur naturliche à la mesure de leur page
Des fois le soir ils te prendraient impunément
Ils s'empaquetteraient de toi de ton devoir de grue
Comme dans un journal, au fond t'es un journal
Je te lis je te plie je te froisse et tu cries
Quand on froisse la soie la forêt sa copine
Lui fait des cris de sœur lui fait des cris sublimes
La soie du crépuscule a des cris de velours
Dans des lits de parade, dans ces feuilles d'automne
Des taches de rousseur sur la gueule des bois
Je te lis je te plie je te froisse et tu cries, au fond t'es un journal
Tu t'en prendrais plutôt pour cinq colonnes
Chez toi le fait divers sonne comme un outrage
Tu es partout chez toi et même aux mots croisés
Tu m'y fais deviner les armes de ta voix
Je t'aime et verticalement c'est bien
Tu croises dans mes eaux quand je suis ton pirate
Je te lis je te plie je te froisse et tu cries
Quand je t'aurai bien lue y compris les annonces
J'irai au marché aux poissons et t'envelopperai de moules vertes
Au fond t'es un journal mouillé
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