Au Japon, il me semble que le rapport à l'écriture manuscrite est différent de ce qu'on voit en France.
Traditionnellement, on écrit au pinceau, et même si les gens utilisent des stylos, des crayons, et maintenant des claviers, tout le monde apprend le maniement du pinceau à l'école.
Et peut importe l'instrument, quand on écrit manuellement, on trace les différents traits dans un ordre établi. Le mouvement est donc le même pour tout le monde, normalement.
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En particulier, à l'école, on apprend le style régulier (kaisho 楷書), qui a été développé en Chine vers le 2e siècle à partir d'autres styles sur lesquels je reviendrai.
Il y a aussi un style semi-cursif (gyōsho 行書), qu'on apprend un peu et qui est assez facilement reconnaissable, et un style cursif (sōsho 草書) que peu de gens savent lire aujourd'hui.
Par exemple, sur la première image (piquée sur le net, comme l'autre), le nom de famille Suzuki est écrit, de gauche à droite, en kaisho, gyōsho et sōsho. Sur la deuxième image, on voit l'ensemble des variations possibles en gyōsho, et dans une moindre mesure en sōsho, avec le kanji qui veut dire "écriture".
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En typographie, on compare souvent les deux grandes catégories que sont "minchō" et "gothic" aux catégories "serif" (avec empattements) et "sans serif" (sans empattement) pour les typographies alphabétiques, mais ça évacue le fait que les typos minchō font référence à l'écriture manuscrite au pinceau de façon beaucoup plus proche que ne le font les typos serif à de l'écriture manuscrite alphabétique.
Les typos minchō sont utilisées notamment dans les textes longs, les livres, etc.
Les typos gothic sont utilisées pour la signalisation, pour des emballages, etc.
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Du coup, au quotidien, au Japon, on voit beaucoup de textes qui ne sont pas manuscrits, mais qui soit reproduisent une écriture effectivement manuscrite au pinceau, soit adoptent des caractéristiques stylisées de l'écriture au pinceau.
En illustration, quelques photos prises autour de moi.
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Mais en fait, si j’écris tout ce fil, c’est pas pour parler de ces reproductions qui doivent passer par un procédé photographique, mais parce que je suis fasciné depuis que je vis ici par les caractères d’écriture pseudo manuscrits qui sont gravés dans le bois ou dans la pierre.
On en voit surtout sur des temples ou sur des pierres tombales, et je trouve qu’il y a quelque chose d’émouvant et de poétique dans ce choix de reproduire dans un matériau durable et par un procédé qui demande beaucoup de temps et d’efforts des caractères qui ont été tracés en quelques instants.
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Apparemment, ça peut être qualifié de skeuomorphisme (je cite Wikipédia : “un élément de design ou une structure qui ne sert aucun but dans l'objet formé à partir du nouveau matériau, mais qui était essentiel dans l'objet fait à partir du matériau original”). Un exemple connu de skeuomorphisme, c’est l’icône de sauvegarde qui a une forme de disquette, mais il y a plein d’autres exemples en dehors du design informatique aussi.
Graver des caractères en semi-cursif, c’est d’autant plus absurde qu’il existe un style sigillaire qui a été développé durant l’antiquité chinoise justement pour pouvoir être gravé.
Mais c’est justement ça qui est chouette ☺️
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@Blanche
la calligraphie y est elle consideree comme une ecole de plongee vers la contemplation? Ca semble impossible avec l' alphabet Latin et sa pauvrete/transparence utilitaire qui ne peut pas seul porter l' imagination.
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@Blanche il y a quel lien à l'écriture au Japon ? J'ai l'impression que tracer un signe prend beaucoup plus de temps qu'une lettre manuscrite, mais j'imagine que ça contient plus d'informations aussi.
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@CCochard C'est super dur de répondre succinctement, et je suis loin de tout savoir.
Ce que je peux dire, c'est qu'en effet, il faut beaucoup moins de caractères en japonais qu'en français pour exprimer la même chose.
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@Blanche du coup, comme il faut plus de temps par caractère, ça s'annule à peu près ? À vue de nez ?
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@CCochard Honnêtement, je ne saurais pas dire, mais je pense que c'est à peu près équivalent, oui 🤔
Il faut dire aussi que les gens écrivent de moins en moins à la main, je ne sais pas si ça change quelque chose.
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@CCochard @Blanche Je dirais que l'écriture est une question d'habitude. Écrire un kanji n'est pas forcément plus long que d'écrire un mot entier en français ou autre langue.
Selon la difficulté et le nombre de traits dans le kanji, évidemment.
Plus on écrit et plus cela devient naturel voire automatique d'enchaîner les traits sans réfléchir
Je pense
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@CCochard @Blanche
J'ai fait des études de langue en chinois et en japonais... 🤚
Et j'adore la calligraphie 🫣
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@Blanche
Même observation en Chine ! Dans certains endroits remarquables, on trouve le nom du lieu gravé dans le bois ou une énorme pierre, et on sait qui l'a calligraphié : tel empereur, tel érudit, et désormais aussi tel président du PCC/de la RPC. Ça implique qu'ils ont calligraphié sur une feuille de papier, puis on a non seulement reproduit leurs traits dans le bois ou la pierre, mais il a également fallu agrandir au préalable !
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@Blanche
Et dans certains lieux on peut aussi acheter un estampage de l'inscription, et repartir donc avec la calligraphie de nouveau sur papier, pour l'encadrer dans son salon… et la boucle est bouclée 🤩🤯
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@chaprot @Blanche
C'est intéressant que tout en en etant aux antipodes en termes de raffinement, il y ait aussi des thèmes communs avec le débat sur #ComicSans !
Y a t'il des débats de ce type, des dévoiement du procédé qui feraient qu'une version certaine typographie informatisée serait jugée bas de gamme ?
https://en.m.wikipedia.org/wiki/Comic_Sans
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@cyclotopie @chaprot Je ne sais pas. Je suppose qu’il y a des débats parmi les designers au Japon aussi, mais je suis complètement extérieur à tout ça.
Si quelqu’un a des infos, ça m’intéresse ! 😊
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@Blanche @cyclotopie J'imagine aussi en Chine, mais je n'y connais rien :(
Au passage, pour les fontes latines, le lien entre "sérifs" et écriture manuscrite est en effet invisible aujourd'hui, mais il existe historiquement : les empattements sont importants dans les écritures médiévales, notamment après l'an mille ; de là ils passent dans les premières fontes imprimées (15e siècle), et c'est plus tard seulement que les typographes s'en "affranchissent" et dessinent des fontes sans-serif.
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@Blanche @cyclotopie Difficile de dire pourquoi les empattements s'imposent progressivement à partir de l'an mil, peut-être par effet de mode d'une part et d'autre part parce qu'on tend à faire des lettres de plus en plus étroites et serrées, donc les empattements pourraient aider à différencier des lettres dont les dessins "sans sérif" deviendraient trop similaires. Le mouvement culmine dans la gothique... mais le retour à un alphabet plus aéré n'a pas faitabandonner les sérifs aussitôt
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@Blanche @cyclotopie (Désolé, déformation professionnelle 😅)
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@chaprot @cyclotopie Il n’y a pas de raison d’être désolé, au contraire ! J’apprécie beaucoup d’en apprendre plus sur ces sujets 😊
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@chaprot @cyclotopie Merci pour le complément d’information et pour les alt texts très détaillés ! C’est super intéressant 🤓
J’ai l’impression que le lien entre les typos minchō et l’écriture manuscrite est plus direct pour les Japonais.es, mais c’est possible que je projette quelque chose qui n’existe pas.
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C'est comme si on offrait une seconde vie à un geste fugace, en le rendant figé dans la pierre. C'est touchant. Un fil chouette à lire !
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