Toot

Written by Jacques Caplat on 2025-02-03 at 20:42

Débunkage de l'appropriation d'une lutte.

J'ai lu régulièrement ces jours-ci que le PS se targue, parmi les "concessions" (?) arrachées au budget 2025, d'avoir obtenu le maintien de l'Agence Bio.

Cette appropriation d'une lutte à laquelle le PS n'a strictement AUCUNEMENT contribué est odieuse. Indigne. Cyniquement politicienne.

Oui, l'Agence Bio a été menacée, vraiment menacée, suite à un vote du Sénat implicitement soutenu par la ministre de l'agriculture.

Que s'est-il alors passé ?

1. L'ensemble des acteurs de la bio française se sont mobilisés de façon unitaire et ferme. Même les syndicats de droite se sont indignés d'une suppression qui n'avait jamais été discutée (sauf le syndicat d'extrême-droite Coordination Rurale qui s'est fait tout petit et n'a pas réagi, mais personne ne s'en étonne). J'insite : même les acteurs "conventionnels" de la bio ont été solidaires des organisations bio spécialisées. Cette suppression était rejetée de façon unanime.

2. L'ensemble du monde associatif s'est mobilisé.

En particulier, @agirpourlenvironnement a recueilli 75000 signatures en quelques jours, du jamais vu ces dernières années :

https://soutien-agencebio.agirpourlenvironnement.org/

Des tribunes interassociatives ont été publiées (que certes des responsables socialistes ont signées… ni plus ni moins que de tous les autres partis de gauche et même certains centristes, et qu'ils n'ont absolument pas écrites ni impulsées) :

https://www.lemonde.fr/idees/article/2025/01/30/la-disparition-de-l-agence-bio-enverrait-un-signal-de-desengagement-de-l-etat-qui-serait-catastrophique_6523364_3232.html).

Les réseaux associatifs, syndicaux agricoles, consuméristes, etc., ont exercé une pression tout-azimut envers le gouvernement.

3. La ministre de l'écologie a soutenu l'Agence Bio. Elle a ainsi "forcé la main" de Bayrou qui a obligé la ministre de l'agriculture à affirmer à son tour qu'elle ne souhaitait pas la suppression de l'Agence Bio.

La succession de ces mobilisations a mis la pression sur le gouvernement, et le fait qu'Agnès Pannier-Runacher ait cédé à cette pression a ensuite entraîné le reste du gouvernement.

Et le PS là-dedans ? Rien.

D'une part le PS s'est moins exprimé sur le sujet que Les Verts ou LFI ou même certains élus centristes ou macronistes (même certains LR se sont davantage indignés du vote du Sénat que les dirigeants socialistes). D'autre part à aucun moment le PS n'a été en situation de faire porter la moindre pression : la volte-face gouvernementale a eu lieu AVANT la réunion de la Commission mixte paritaire. La lutte a été gagnée par le monde paysan et associatif. Ce n'était pas une lutte d'appareils politiques. À aucun moment.

Je connais particulièrement bien cette lutte pour le maintien de l'Agence Bio, étant impliqué à la fois en tant que président d'IFOAM-France (antenne française de la fédération bio internationale) et en tant que coordinateur "agriculture et alimentation" d'Agir pour l'environnement (auteur d'une pétition remarquée et populaire).

Je suis donc particulièrement outré de la manière dont le PS essaie actuellement de "voler au secours de la victoire", de récupérer un revirement gouvernemental qui ne lui doit strictement RIEN, de s'approprier une lutte menée par d'autres.

Certains reprochent actuellement au PS de valider un budget ultra-droitier. Reproche légitime certes. Mais pour ma part, je lui reproche une autre faute politique et humaine : celle de s'approprier une victoire obtenue par les luttes d'autrui. Cette pratique est exécrable, elle insulte les militant·e·s qui ont sauvé l'Agence Bio. Elle est contraire à toute éthique militante.

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