Je vais vous raconter la pire histoire de sexisme que j’ai jamais entendu depuis que je travaille dans le monde agricole, vous êtes pas prêt·es, mais c’est parti quand même.
Accrochez vous bien.
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On a donc une femme, de 40 ans qui va avoir 41 ans en avril. Il lui reste donc 2 mois montre en main pour déposer une demande de DJA (dotation jeune agriculteur).
Vu son projet, elle pourrait obtenir 35 000€.
Autant dire que pour une installation en reconversion professionnel sans héritage familial particulier, l’enjeu est gros.
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Elle a obtenu son diplôme, son projet est bouclé, son prévisionnel fait, elle est calée techniquement, … bref, tout est prêt.
Problème: elle n’a pas de foncier. Elle cherche depuis plusieurs années, mais elle ne trouve rien.
Elle ne cherche pas beaucoup pourtant, pour un projet en maraîchage bio diversifié, seule, elle pourrait commencer avec même moins d’1ha.
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Le conseiller de la chambre lui a donné un mois pour trouver des terres, au delà de ce délai, il ne pourra plus l’accompagner dans sa demande de DJA, il faudra qu’elle s’installe autrement, sans cet argent pourtant essentiel pour réaliser des investissements lui permettant de travailler sur l’ergonomie, la qualité de vie au travail, …
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Ok jusque là tout va bien. Il est où le sexisme dans toute cette histoire?
Hé bien figurez vous qu’après une bonne quinzaine mn de discussion informelle, arrive l’information qui change tout.
Son conjoint est……… éleveur. Oui oui, tout à fait. Il élève des vaches allaitantes et exploite……… 85ha.
Je répète. Il exploite quatre vingt cinq hectares.
Pour rappelle, elle en cherche … 1.
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On a donc un monsieur qui a 85ha dont une partie en propriété et qui refuse d’en laisser 1 à sa conjointe au risque de lui faire perdre (et donc à lui aussi) 35 000€.
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Le pire? Elle ne lui demande même pas de lui vendre 1ha. Elle ne lui demande pas de s’asseoir définitivement sur 1ha.
Elle lui demande de lui passer TEMPORAIREMENT, en urgence, un document de mise à disposition d’1ha pour qu’elle puisse faire sa demande de subvention, tout en lui promettant de continuer à chercher des terres complémentaires pour compenser la perte de surface pour lui (soit elle déménagerait tout, soit il exploiterait les nouvelles surfaces).
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J’ai jamais vu ça, je pensais honnêtement pas que c’était possible d’être un tel déchet humain.
Elle lui a même proposé de payer avec l’argent de sa DJA le fourrage qu’il serait amené à acheter pour compenser le foin produit sur l’hectare en question.
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Furax, j’en parle à ma collègue. J’étais là mais pardon t’as déjà entendu des histoires pareil toi?
Et là elle me répond pas quoi?
Ah ben oui, je peux te citer au moins deux autres femmes dans cette situation, avec un conjoint éleveur qui refuse de passer des petites surfaces pour l’installation de sa conjointe.
Une avec une production de poules pondeuses et une autre avec une production de petits fruits.
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Franchement j’ai envie de casser des trucs. On a donc des femmes qui se contorsionnent pour pas prendre beaucoup d’espace, qui, cela va sans dire, gèrent quasi l’intégralité du travail domestique des foyers, pour au final avoir des conjoints qui refusent de leur passer la moindre surface.
La barre est même pas au sol.
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@alluccia
Alors imaginez une femme qui veut s'installer en élevage (sans hériter des terres de ses parents) !!
Quand je vivais dans un village sur les hauteurs du Cantal, avec pas moins d'une quarantaine de fermes en élevage bovin à l'époque (il y a une dizaine d'années), on avait fait le point avec la bibliothécaire 😅
Il y avait en tout et pout tout deux exploitantes. Sandrine et Aurore, qui avaient repris la ferme de leurs parents.
Tous les autres étaient des mâles - et la plupart mariés.
"Le combat pour faire reconnaitre le statut des femmes en agriculture a commencé il y a seulement une cinquantaine d’années. Elles ont pu accéder au statut de conjointes collaboratrices en 1999. En 2010, grâce au combat largement porté par la Confédération Paysanne, le statut de GAEC entre époux est autorisé, ce qui permet aux femmes d’avoir accès à leurs droits de manière individuelle dans leur couple. En 2012, un quota de 30% de femmes est mis en place sur les listes électorales dans les chambres d’agriculture.
Malgré cette évolution, les femmes sont toujours en grande minorité dans la profession. Aujourd’hui seulement ¼ (22%) des exploitations françaises sont dirigées par des femmes."
https://www.agriculturepaysanne.org/La-place-des-femmes-dans-le-monde-agricole
Dans les perspectives féministes, on évoquait traditionnellement le "travail non payé" des femmes (le travail du care, de manière général). Mais dans le monde agricole, c'est pire qu'ailleurs. Parce que les femmes travaillent, et pas seulement "à la maison", sans elle, l'exploitation ne tournerait pas, tout simplement.
Comme tu dis, "la barre n'est même pas au sol". Je me souviens des ateliers organisés par la MSA (j'avais des patientes paysannes qui y participaient), où les femmes d'éleveurs se réunissaient pour discuter. J'avais eu des retours passionnants (et aussi quand j'enseignais l'anglais en BTS agricole). Mais la puissance du patriarcat dans le milieu agricole est tel.. Surtout en élevage et céréales (moins sans doute en maraîchage, considéré comme "moins viril" - pffffff. Là-dessus, je me souviens aussi d'une des filles d'un éleveur du coin, fallait voir comment elle te ramenait des troupeaux de Salers massives avec des cornes énormes en pleine montagne : tout le monde était épaté. Elle est certainement devenue éleveuse à son tour depuis. Mais elle a pu reprendre la ferme du père.)
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@danahilliot @alluccia
Ici sur le Larzac, notre modèle de gestion collective du foncier a permis à de nombreuses femmes de s'installer en agriculture. Je connais plusieurs GAEC tenus par des femmes, je vais me renseigner sur la proportion, tiens.
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@danahilliot @alluccia Rien qu'autour de chez moi, il y a le GAEC des truels, où 3 des 4 associé.e.s sont des femmes, le GAEC de Montredon, les deux associées sont des femmes, le GAEC de Clapade, dont les associées sont un couple de femmes. Et là en ce moment on est en train d'attribuer une ferme à une femme qui veut s'installer.
Ici on fait autant (et parfois plus) confiance aux femmes qu'aux hommes pour gérer des fermes.
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@FFShukke_reboot @danahilliot @alluccia GAEC des Traversiers aussi à la Couvertoirade : 2 femmes sur 3.
Mais c'est vrai que la BD : "Il est où le patron" est rapide à lire et bien instructive !
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