À propos d'incertitude en médecine générale - thread qui n'a aucune autre vocation que de poser un ressenti ici, dans un but cathartique ou jsp quoi, pour nourrir des réflexions éventuelles autour du raisonnement médical.
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Je pensais n'avoir, en consultation, aucun mal à dire "je ne sais pas". En tant que médecin généraliste on doit connaître un peu tout, on sait poser ou évoquer beaucoup de diagnostics fréquents, connus. Je peux diagnostiquer une grippe, une varicelle, une crise de goutte (aïe) évoquer une colique néphrétique (re-aïe), une polyarthrite rhumatoïde... les lumières s'allument dans ma tête à l'évocation de certains symptômes et ensuite je cherche !
Mais la pathologie rare, qu'on n'a encore jamais rencontrée en vrai, évoquée une fois en cours en quatrième année (il y a facilement 10 ans maintenant), et dont on n'a plus entendu parler depuis, j'en ai (et la plupart des med gé aussi) très certainement oublié les symptômes et la présentation. Les syndromes rhumatologiques peu fréquents, les maladies systémiques complexes, par exemple.
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Et puis il y a les "symptômes médicalement inexpliqués" qui sont et qui vont être de plus en plus présents dans notre quotidien. Les symptômes "fonctionnels" qui font souffrir, ou qui font tousser ou qui perturbent le transit... Ces perturbations de l'état "normal", du confort de la pleine santé, qui créent la détresse : docteur, je ne suis plus comme avant, il y a quelque chose qui ne va pas.
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Alors au début, on cherche. On ne comprend pas forcément mais on cherche. "Pourquoi cette personne a mal à cet endroit, ça n'a aucun sens médical! J'y comprends rien à sa toux/sa douleur/son symptôme!"
On fait des scanners, des prises de sang, des anticorps anti-trucs, on demande à des spécialistes. Puis personne ne sait, finalement, on a tout fait, tout a l'air de fonctionner normalement. Mais la personne a mal. N'arrive pas à dormir. A des difficultés à respirer.
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Et LÀ ! Arrive la grande question, que je me pose à longueur de journée : "est-ce que c'est moi/les éventuels spécialistes à qui j'ai demandé qui n'avons pas la connaissance nécessaire pour poser un diag / savoir où et quoi chercher ?" OU "Est-ce que c'est un symptôme fonctionnel/médicalement inexpliqué qu'il faut prendre en charge différemment que la vieille médecine à papa ?". Est-ce que je suis nul, comme médecin? Est-ce qu'il y a un truc auquel je pense pas ? Est-ce qu'il me manque LA pièce du puzzle ? Est-ce que je devrai faire ce scanner supplémentaire ? Cette analyse en plus ? Ou est-ce que même en faisant 14 IRM de plus, on en sera toujours au même point? Faut-il arrêter de chercher et admettre comme réponse "c'est un symptôme médicalement inexpliqué ?"
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En deux mots, comment je gère mon ignorance / incertitude?
Est-ce que je la maquille d'un "de toute façon, vous n'avez rien / c'est dans votre tête, puisque ce n'est pas dans le champs de mes connaissances !" Spoiler : nope.
Est-ce que je prends un raccourci validiste/grossophobe/autre -iste ou -phobe pour ne pas avoir à questionner le mal-être que cette incertitude réveille en moi, la remise en question derrière ça : "il faut maigrir, ça résoudra tout - c'est à cause de l'âge - c'est parce que vous avez tel handicap, ça doit être ça qui vous crée ce symptôme que je ne sais expliquer ? Bien sûr que non.
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Ca me laisse quand même avec un gros trou de "qu'est-ce que je fais de cette personne en face de moi et qui souffre?". Alors évidemment qu'il n'y a pas une réponse toute faite et applicable à tout le monde. Évidemment qu'une piscine va être payée à ma psychotherapeute merveilleuse pour détricoter tout ça et trouver un compromis "confortable" pour moi. J'ai un compas moral qui m'oriente vers les choses à ne pas faire : dénigrer, infantiliser, remettre en question la plainte, minimiser... J'en passe.
Je pense quand même qu'il faut qu'on questionne ça collectivement, qu'on soit du milieu médical ou non.
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Au delà de ces considérations personnelles, pour nous médecins, je crois qu'il est important de nous poser avec ce malaise que l'incertitude médicale nous renvoie. D'aller appuyer là où ça fait mal, et de comprendre pourquoi ça nous fait mal de "ne pas savoir" et aller regarder comment on réagit quand on est dans cette situation. Quelle(s) réponse(s) toute faite vient sortir à voix haute, pour mettre la poussière sous le tapis? Pour réduire notre propre détresse? Celle d'être face à quelqu'un qui souffre et dire "je ne sais pas" ou pire "la science actuelle ne sait pas, et je n'ai pas de solution unique pour apaiser vos souffrances".
Et de l'autre côté : qu'est-ce qu'on attend du médecin au fond ? Qu'est-ce qu'on est prêt.e à entendre en consultation ? Sous quel délai, au bout de combien de temps de recherche ? Quelle posture souhaite-t-on que le médecin qui cherche à comprendre ait envers nous ?
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@ArthRedBeard en tant que malade (chronique) rien ne m'inspire plus confiance qu'un médecin capable de me dire "je ne sais pas". Et je pense que je ne suis pas la seule dans ce cas. Même si c'est pas toujours agréable à entendre (parce que oui, on veut une solution).
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@lanuisance J'ai envie de plussoyer très fort, même si j'ai encore jamais rencontré un médecin comme ça.
C'est toujours "Faites plus d'activité physique." / "Réduisez votre hormonothérapie." / "Vous avez une mauvaise posture." / "Vous êtes un peu sensible, c'est tout." Depuis tant d'années et tant de toubibs différents que maintenant que j'ai un toubib qui me met quand même en arrêt et me prescrit du kiné quand je dis que j'ai mal, je m'y accroche, même quand il me refile des antibio à chaque rhume ou qu'il sait pas remplir mon ALD. 🤷♀️
J'ai juste plus le courage d'en chercher un autre alors qu'il est insuffisant, il est juste moins désagréable.
@ArthRedBeard
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@lou_de_sel @lanuisance c'est intéressant ce que vous amenez, c'est le coeur de ce qui me taraude au quotidien aha.
En soi je pense qu'à certain niveau beaucoup de médecins savent dire "je ne sais pas". Mais ce qui me fait souvent douter, c'est QUAND dire "je ne sais pas".
Quand est-ce que je "m'arrête" de chercher ? Quand est-ce que c'est ok pour la personne en face de moi de recevoir cet aveu aussi?
Encore une fois, pas de réponse toute faite, mais c'est intéressant de mettre les deux en parallèle. "J'aime entendre un médecin qui admet son ignorance et j'ai quand même un besoin de réponses".
Quelles réponses attend-on en général d'un médecin généraliste ? Lors de quelles consultations ?
Encore une fois ce sont des questions dont la réponse est propre à chacun.e, et à chaque problème de santé. Mais je pense que c'est intéressant de questionner aussi ce qu'on attend d'un médecin dans notre contexte précis, et comment on est préparé.e ou non à recevoir un "je ne sais pas" ou un "je m'arrête là dans les examens complémentaires".
En tant que médecin, ça serait nouveau de recevoir : "je suis ok si vous me dites que ce n'est pas la peine d'aller plus loin dans la recherche, tant que vous m'expliquez ce que je peux faire pour me sentir mieux". Je suis sûr que plein de personnes ressentent ça, sont de cet avis et je serai intéressé de l'entendre en consultation.
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@ArthRedBeard @lou_de_sel @lanuisance
Dans le cas d'une amie proche, malade chronique, ce qui l'a aidée ça a été un message du genre :
"Je ne sais pas, mais on va continuer à chercher ensemble".
Dans ce que je lis dans cet échange, il y a plusieurs choses que j'aimerai distinguer.
Il y a le "je ne sais pas et je m'arrête"
Et il y a le "c'est facile vous n'avez qu'à faire ci ou ça".
Je crois qu'il y a un monde entre les deux.
"j'ai bien réfléchi depuis la dernière fois",
"J'ai contacté une consoeur",
"Là c'est une colle, mais mon but c'est que vous alliez bien".
etc...
Mais c'est pas facile. J'ai été première de la classe, et répondre du tac au tac avec la bonne réponse, c'est toujours super satisfaisant.
Et là, la dimension médicale (qui doit pas être facile à porter, le bien être des gens, tout ça)...
Bref, merci d'essayer de faire ça bien.
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@sous_mon_masque @ArthRedBeard @lou_de_sel généralement les soignant-es capables de dire "je ne sais pas" ce sont pas ceux qui laissent tomber les malades en mode "débrouillez-vous" ça va souvent avec une volonté de chercher une solution ensemble, oui.
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@lanuisance @sous_mon_masque @lou_de_sel
En lisant l'article qui m'a été conseillé ailleurs dans ce feed, c'est de ça dont je parle :
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