Un truc qui me dérange avec la séquence, c'est qu'au delà des refus de Macron, un autre coup de force, bien plus grave, se déroule là où personne ne regarde. Laissez moi vous parler de la note par laquelle le gouvernement s'est déclaré intouchable. ⤵️
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Il y a un organe qui s'appelle le Secrétariat Général du Gouvernement, le SGG pour les intimes. Ce sont les services administratifs de Matignon. Ils survivent d'un président à l'autre, d'un gouvernement à l'autre, d'une majorité parlementaire à l'autre.
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Il sont à la fois très puissants, de par leur centralité et leur permanence : le précédent Secrétaire Général du Gouvernement, Marc Guillaume, dont j'ai parlé ici, était surnommé "Dieu"...
https://t.co/9I0E97892C https://t.co/9I0E97892C
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… et à la fois impuissants parce qu'ils exécutent ce que leur demande le Premier ministre. Et il lui a été demandé une note, sur ce que peut et ne peut pas faire un gouvernement démissionné, "expédiant les affaires courantes". Cette note est là.
https://t.co/SlHJD9uOup https://t.co/SlHJD9uOup
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Même pour les non-juristes, elle se lit relativement facilement si vous voulez vous y lancer, mais je vais vous la résumer. Il y a deux points primordiaux, commençons par le moins important.
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Cette note définit trois types de "décisions" :
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Selon la note, un gouvernement démissionné peut prendre les décisions ordinaires et urgentes, mais pas les décisions politiques.
Bon, très bien. Mais qu'est-ce que ça désigne derrière ?
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Ce que dit la note du SGG, c'est qu'il n’y a, au fond, que deux types de décisions, les décisions ordinaires et les décisions politiques...
...mais que plus on attend, plus les décisions politiques peuvent devenir urgentes, et donc être prises par le gouvernement.
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Pour le dire autrement, plus un gouvernement démissionné reste longtemps aux "affaires courantes", plus ses pouvoirs s'accroissent, à tel point qu'il finit par avoir le droit de quasiment tout faire - tant qu'il est capable de justifier l'urgence motivant chaque décision.
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Evidemment, je simplifie un peu, lisez la note pour le détail (elle estime par exemple que le Parlement doit quand même être saisi du budget, ne serait-ce que pour le rejeter), mais c'est en gros ça.
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C'était le premier point important. A la limite, ce premier point, tout seul, il peut s'entendre.
Mais c'est quand il est pris en conjonction avec le deuxième point que tout change.
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Le second point tient en une phrase, glissée ni vu ni connu comme une évidence, page 6 :
« Le Parlement est privé de la possibilité de renverser le Gouvernement (qui est déjà démissionnaire). » https://t.co/xt2IGTOOoT
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En clair, un Gouvernement qui a démissionné ne pourrait pas être renversé, parce que… ben… “ce n'est plus un Gouvernement”.
Cette interprétation est absolument délirante, et extrêmement dangereuse.
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Ca consiste à dire qu'une bande de gens qui auraient les pouvoirs, les moyens, les services, l'image publique, l'aspect, l'odeur, le goût d'un gouvernement, bref qui auraient tout d'un gouvernement, mais pas le nom de gouvernement... ce ne serait pas un gouvernement !
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Conjugué au premier point que je développais, ça signifie qu'un gouvernement d'affaires courantes aurait quasiment les mêmes pouvoirs qu'un vrai gouvernement… sans pouvoir être renversé.
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Ca consiste à enlever à l'Assemblée nationale sa fonction première dans notre régime. Ca peut permettre au président, celui là ou un autre, de changer la nature fondamentale du régime français, vers ce qu'on a connu de pire.
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Parce que, imaginons une seconde qu’on retienne effectivement cette interprétation. Si je suis le prochain président, alors je nomme un Premier ministre, il nomme son gouvernement, puis j’accepte immédiatement leur démission, et je ne renomme personne.
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Le seul moyen de m’en empêcher sera la destitution. Ou pour le dire autrement, la censure aura été déplacée : alors qu’il fallait 50% de l’Assemblée pour censurer, il faudrait maintenant 66% des députés et 66% des sénateurs. Impossible aujourd’hui, impossible tout le temps.
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Mon gouvernement pourra alors largement gouverner, sans être responsable devant personne à part moi. Un exécutif intégralement irresponsable, qui peut en plus menacer la chambre de dissolution. L’exact inverse des excès des 3ème et 4ème Républiques.
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Même la 4ème République avait eu la présence d’esprit de chercher à se prémunir contre ce genre d’abus en prévoyant que les gouvernements d’affaires courantes devaient être présidés par le président de l’Assemblée (qui, à l’époque, n’était pas inféodé à l’exécutif).
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« Quiconque a du pouvoir est porté à en abuser, il va jusqu’à ce qu’il trouve des limites. Pour qu'on ne puisse en abuser, il faut que par la disposition des choses le pouvoir arrête le pouvoir. » (Montesquieu)
Or cette note du SGG, c’est l’exécutif qui se fixe seul ses limites…
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Aux Etats Unis, Bush a fait la même chose, il a demandé à des juristes (devenus trumpistes depuis) de pondre une théorie délirante, dite “de l'exécutif unitaire”, pour faire ce qu’il veut. Ca a donné Guantanamo, les assassinats, la torture, tout ça
https://t.co/DLdh3YIKOv
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Et ne faites pas l'erreur de penser qu'il serait ici question d'un régime présidentiel : dans un régime présidentiel, d'une part, l'exécutif ne peut pas dissoudre la Chambre, et d'autre part, s'il ne trouve pas d'accord avec elle, il ne peut rien faire.
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Bon, maintenant, quelle est la valeur juridique de cette note du SGG ? Sur bien des points, c’est le Conseil d’Etat qui finira par trancher. Mais pas sur celui de savoir si un gouvernement démissionné peut être censuré ou non.
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Sauf s'il se décide à prendre la compétence, ce qui est peu probable, même le CC n’est probablement pas compétent.
Evidemment, sur une question aussi importante, on ne peut pas imaginer qu’il n’y ait personne de compétent pour trancher.
Donc laissez moi vous donner mon avis.
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En 1962, le Sénat a voté l’affichage du discours de Monnerville contre de Gaulle dans toutes les mairies de France. Ils ne se sont pas demandé s’ils avaient le droit, si la procédure existait, ou autre : ils ont constaté que ce n’était interdit nulle part... et ils l’ont fait.
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Quand le 17 juin 1789, le Tiers État s’est déterminé en Assemblée Nationale, ils ont demandé leur avis à personne.
L’Assemblée nationale est l’institution souveraine en France. Elle fait ce qu’elle veut, dans la limite des textes, mais dans leur silence, ses mains sont libres.
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Il n’est écrit nulle part qu’il est interdit de voter la censure d’un gouvernement démissionné. Si l’Assemblée nationale le veut, elle le peut. Et je trouve qu’elle devrait le faire, le plus vite possible.
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(Certains ressusciteront peut-être un malheureux précédent de septembre 1961, à ceux là je dis qu'un RAN, ça se change. Tweet volontairement cryptique.)
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Dernier point. J'ai volontairement resserré ma capture d'écran de tout à l'heure. Desserrons-là pour voir : en plus de déclarer le non-gouvernement incensurable, la note du SGG recommande d'éviter toute consultation du Parlement. Le musée des horreurs. 👌 https://t.co/CFs6gIJlfh
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Version article si vous préférez :
https://t.co/iwrXLCAhna
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@malauss C'est également quelque chose qui a inquiété Benjamin Morel dans @lemonde (les grands esprits touça):
https://www.lemonde.fr/politique/article/2024/08/28/benjamin-morel-constitutionnaliste-nommer-lucie-castets-a-matignon-n-est-pas-une-obligation-ce-n-est-pas-non-plus-une-interdiction_6297333_823448.html
"Mais vous voyez que plus votre gouvernement démissionnaire dure dans le temps, plus il a de pouvoirs et plus il se rapproche d’un gouvernement de plein exercice. Donc, oui, cela peut durer longtemps, et c’est un problème. On peut considérer qu’Emmanuel Macron prend du temps, mais il ouvre une brèche, crée un précédent, et c’est très inquiétant."
...
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@malauss @lemonde
Avec en prime un autre sujet de casse-tête pour les constitutionnalistes:
"Quand un gouvernement ne peut pas être renversé, ce qui est le cas d’un gouvernement démissionnaire, il n’y a pas de questions au gouvernement [QAG].
Or [...] le Conseil constitutionnel nous dit qu’un texte voté lors d’une semaine où il n’y a pas eu de QAG est inconstitutionnel. Donc, si ce gouvernement devait durer et faire passer des textes, par exemple une prolongation de l’état d’urgence, que ferait-on ? Le texte est-il inconstitutionnel parce qu’il n’y a pas eu de QAG ? A ce stade, rien ne permet rigoureusement de répondre."
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