2025-01-23T11:02:47Z
Je peux réécouter de la musique.
Je peux recommencer à lire.
Je peux suivre une conversation sans en perdre le fil.
Je peux dormir.
Je peux enfin respirer.
Je n'ai plus à lutter pour empêcher mon cerveau de penser, analyser, reconstituer.
Je peux passer une journée sans espérer avec impatience le moment où le somnifère mettra fin à la torture de l'attente, arrêtera l'angoisse.
Bien sûr, tout n'est pas résolu.
Reste à comprendre.
Reste à expliquer, que cela n'arrive plus.
Apprendre à écouter son instinct.
Parfois, on aide les autres sans y penser, parce que c'est normal.
Parfois, on fait du mal sans le vouloir, sans s'en rendre compte.
Parfois, on se trompe, sans s'en rendre compte.
Parfois, on pense faire le bien alors qu'on n'a en réalité aucune importance.
Parfois, on imagine ne rien faire de mal et malgré tout être en décalage avec la réalité.
Parfois, on s'efforce de faire pour le mieux, mais certains y voient une volonté de nuire ou de profiter d'autrui.
Parfois, tout le monde va bien, mais les autres imagine le mal. Préjugés, absence, déni, pouvoir, incompétence, zèle...
Un fonctionnaire m'a appelé avec son téléphone personnel ce soir, bien au-delà de ses heures de travail, pour me faire part de la décision de la magistrate : classé sans suite.
J'ai été placé en garde à vue.
Ça signifie qu'on a envisagé à un moment donné me placer en prison.
Alors que j'aidais mon fils à s'habiller, on a toqué à la porte : je n'oublierai jamais ce son. Le prochain livreur me donne des frissons.
Perquisition, on confisque tout mon matériel informatique. Autant vous dire qu'avec tout le bazar récupéré, l'ordi de travail, l'ordi pour regarder des films, l'ordi pour le retrogaming, les dizaines de clés USB à reformater, les disques durs de sauvegarde, il y avait un paquet de trucs...
J'ai coopéré, aucune raison de ne pas donner les phrases de pass pour déchiffrer les disques.
Oui, je sais, il paraît qu'il ne faut pas faire ça, mais pour le coup, je n'ai vraiment rien de mal à cacher... Un avocat? Quoi? Je veux démontrer mon innocence, alors qu'ils cherchent à prouver ma culpabilité.
Mes mots de passes écrits en clair sur des feuilles de papier... une bonne raison de les renouveler vous me direz.
Un long trajet en voiture banalisée, à fond la caisse, la conduite en toute sécurité, on oublie.
Je suis chanceux, on ne m'a pas menotté devant mes enfants.
Un interrogatoire bienveillant, méticuleusement calculé et analysé.
Ascenseur émotionnel, gentillesse et bousculade, rien n'est épargné pour entrevoir le vrai.
Tout est fouillé dans mes affaires et dans ma vie.
C'est très bien comme ça, il faut protéger tout le monde. C'est compliqué à vivre.
Déformation de la réalité, corruption des mots et des intentions...
Qui suis-je? Je doute de tout, même de moi.
Empreintes digitales, ADN, papiers à signer, attente encore et encore.
L'imagination de tout ce qui pourrait se passer, l'impuissance, le meilleur et surtout le pire.
Tiens, les photos de profil ne passent pas dans le fichier... Le gendarme transfère les photos de son portable vers l'autre machine en passant par son webmail laposte.net... Une partie de mon cerveau trouve ça rigolo. Mais que puis-je y faire de toute façon?
Retour à la maison avec mes affaires dans un sac poubelle.
J'ai de la chance, il y avait des trains.
Le second interrogatoire en rentrant chez soi. Légitime, compréhensible, mais si douloureux malgré tout leur soutient.
La présence des collègues, indispensable, salvatrice.
La lutte contre soi. Sans enfants, sans famille, sans amour, très vite la fin serait arrivée.
J'admire celleux qui affrontent la dépression. Quel courage! Je ne sais pas comment peut-on tenir si longtemps face aux idées noires?
2 jours figé devant le téléphone, en attente d'une réponse.
2 semaines d'attente, sans savoir...
Trembler de l'intérieur. Tout à l'intérieur.
Trembler sans savoir pourquoi.
Froid. Tout le temps.
Se forcer à manger pour tenir.
Le coeur qui bat si fort que je sens les veines de mon coup cogner, mon sang frapper derrière mes yeux.
Essayer d'être, à encaisser le regard innocent des autres qui n'a pas changé, quand c'est moi qui n'est plus le même.
Les heures n'ont plus tout à fait la même saveur. Il faut réapprendre.
Changer les mauvaises habitudes, plus de mail professionel sur le téléphone, plus de mail instantané.
L'enfer est passé.
Je ne me sens pourtant coupable, cela n'aurait pas dû arriver.
L'essentiel a été mis en valeur.
Ceux sur qui on peut compter.
Ce qui est le plus important.
Respirer.
Avant la suite.
Je ne connais pas la peur, car la peur tue l'esprit.
La peur est la petite mort qui conduit à l'oblitération totale.
J'affronterai ma peur.
Je lui permettrai de passer sur moi, au travers de moi.
Et lorsqu'elle sera passée, je tournerai mon oeil intérieur sur son chemin.
Et là où elle sera passée, il n'y aura plus rien.
Rien que moi.
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